Après, mes crabes ont marché comme des crabes. Journalisme, édition, rédaction et direction créative dans une agence de communication, quelques beaux boulots, de la reconnaissance, quelques prix dérisoires, ils travaillaient bien, les crabes, à marcher en crabes.
Mais là où je les préférais, c’était quand ils marchaient droit. Pas en crabes. Quand ils écrivaient plus loin que le bout de leurs pattes tordues.
Je me suis classé dans un concours, dont un juré m’a dit ensuite qu’il fallait souffrir beaucoup pour avoir la première place. J’avais déjà eu ma part, mais j’ai suivi son conseil, j’ai attendu que la souffrance vienne. Elle est venue de ne pas venir.
Les crabes, en attendant, occupaient le terrain. Un pas à droite, un pas à gauche, parfois un pas devant. Des récits pour la jeunesse publiés chez Bayard Presse et, je me souviens, un chez Francs et Franches Camarades, organe du PC français. Un pas à gauche catho, un pas à gauche rouge tradi.
Bon, on va pas faire toutes les stations. Faudra lire la biblio, complète ou pas. Il y a eu des nouvelles, longues ou pas, rassemblées dans un recueil publié chez Bernard Gilson, à Bruxelles, un éditeur avec qui nous, je veux dire je, avions lancé une maison. J’ai vite quitté le navire avec mes crabes, sur un navire les crabes, ça peut ni marcher à droite ni à gauche ni même tout droit sans tomber à l’eau.
Bernard ne m’en a pas voulu, il a publié un roman, qu’il a appelé « micro », question de marquer son territoire. De ces micro-romans, parfois de longues nouvelles, qu’il éditait, il fixait les règles, la longueur et les thèmes axés sur la réalité contemporaine. Tous ne l’étaient pas, le mien l’était ou à peu près. Cela s’appelait Les rois sauvages.
On a cru que je parlais de l’Afrique. Ce n’était pas le cas, je parlais des tribus urbaines.