10 Juin 10 JUIN 2015 / Léopold II génocidaire?
GUEULE OUVERTE ET YEUX FERMES. C’est bizarre, depuis quelques semaines circulent des « posts » sur ce cher Léopold II, roi des Belges (et surtout du Congo) génocidaire. Je ne crois pas qu’on peut me taxer de défendre la mémoire de L II. J’ai exhumé il y a des lunes le texte de Mark Twain, « King Leopold’s Soliloquy » et ai été le premier à le traduire en français et le commenter (éd J. Antoine, réédité deux fois à L’Harmattan avec une belle couv de Marcos Vinals Bassols). Avec la Cie Point Zéro et Jean-michel d’Hoop à la mise en scène, on a adapté en 2005 le texte de Twain et monté un spectacle, King Leopold II, que les anciens coloniaux ont voulu faire interdire, pour le grand bien de la pièce. Je ne peux pas être taxé de royaliste, je considère la monarchie comme une institution ridicule et antidémocratique et j’ai plusieurs lettres de créance (j’allais dire de noblesse) à cet égard (dont la traduction de « L’Ordre nouveau » de M. De Wilde sur les compromissions, entre autres, de Léopold III pendant la guerre). Mais de là à qualifier les exactions de L II au Congo de génocide, c’est une bêtise. On ne connaît pas les chiffres de la population au Congo de l’époque et il ne s’agissait pas de « génocider ». C’est le contraire qui se passait. En marxiste de base, il suffit de se dire qu’un chef d’entreprise ne tue pas son personnel, sinon au travail. Ce qui était en œuvre dans le Congo léopoldien, c’est une mise au travail forcé, une mise en coupe réglée du pays, un système huilé qui traitait les Africains en sous-hommes corvéables à merci. Est-ce un génocide ? Non. Ne banalisons pas le terme. Ne passons pas le point Godwin à tous les pas. C’est rendre un mauvais service au devoir et droit d’histoire – et non de mémoire émotive – auquel nous devons sans relâche nous référer. Hochschild, sensationnaliste, n’est pas un historien. Quand Twain parle de dix millions de morts, il joue de l’hyperbole en artiste. En vrai et noble bouffon. Lisez-le. Puis autopsiez Léopold II, jusqu’à ce qu’il ne reste plus de son corps aucune parcelle d’ombre. Ne marchez pas sur son cadavre la gueule ouverte et les yeux fermés.