Juliette & Miles (24 septembre 2020)

Le flot d’hommages soudains au moment de la mort des vedettes me gonfle. Je n’ai pas le romantisme à fleur de peau. J’ai été bercé par la voix de Juliette Gréco, mais j’avoue que cette voix m’a souvent agacé. Admiratif sans réserve de l’exigence musicale de Miles Davis, je reconnais qu’il m’est arrivé de trouver ce perfectionnisme frôler par moments la posture (surtout sur scène). Et pourtant, je voulais poser cette photo, un regard, une douceur, un couple. La violence de nos échanges autour de la question du racisme et du «communautarisme » (ce que le pouvoir appelle séparatisme – dans tous les sens du mot « appeler »), les provocations ignobles de certains médias et la raideur légitime mais parfois exténuante des positions identitaires (je le dis pour défendre l’une et éprouver l’autre : la légitimité et la douleur de la tension) m’ont tout d’un coup donné envie de « poster » (une bouteille à la mer/ à l’amer) cette simple image. L’amour de Juliette et Miles ne semble pas avoir été de tout repos. On n’en fera donc pas une bleuette/une bluesette. Mais juste un instant suspendu dans le cours agité de notre temps. Deux anges, miles away now. Croyons-y une seconde. Et que cette seconde dure le temps d’une note à la Davis.